Le Bureau d’Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre

Pourquoi des enquêtes techniques sur les accidents ?

Les accidents de transport, avec leur coût humain et leur caractère parfois spectaculaire ou dramatique, nous rappellent que les hommes, les matériels et les organisations restent faillibles malgré les progrès accomplis et le haut niveau en matière de sécurité.
Les accidents ou incidents graves ou complexes appellent une démarche visant à en déterminer les circonstances et les causes, puis à dégager dès que possible les recommandations préventives susceptibles d’en éviter le renouvellement.
C’est le but de l’enquête technique, qui doit rester bien distincte de l’enquête judiciaire dont les objectifs, centrés sur la recherche de responsabilité, et les contraintes, notamment de délai, ne sont pas les mêmes.

Pour mener efficacement leur travail, les enquêteurs techniques doivent pouvoir accéder à l’ensemble des éléments, témoignages et informations utiles, même couverts par le secret de l’instruction, le secret professionnel ou le secret médical. Ces prérogatives relèvent de la loi.
La nécessité de pouvoir mobiliser rapidement des enquêteurs hautement qualifiés et indépendants, de conserver la mémoire et de valoriser les enseignements tirés, a conduit à confier ces enquêtes techniques à un organisme permanent spécialisé.

Les principales étapes de la mise en place du BEA-TT

En France, les premiers organismes d’enquêtes techniques ont été créés dans le champ de l’aviation civile en 1946 et dans le domaine maritime en 1997. Concernant les transports terrestres, en l’absence d’obligation supra-nationale, aucune structure équivalente n’avait été mise en place.
En cas d’accident grave, tel celui de la gare de Lyon en 1988 (56 morts) ou du tunnel du Mont Blanc en le 24 mars 1999 (39 morts), le ministre chargé des transports constituait une commission d’enquête ad hoc en s’appuyant sur le Conseil Général des Ponts et Chaussées (CGPC, devenu CGEDD puis IGEDD).
A la lumière de l’expérience acquise, il est apparu nécessaire de disposer, pour les transports terrestres, d’un organisme similaire à ceux des modes aérien et maritime.

C’est la loi du 3 janvier 2002 qui a donné une base législative aux enquêtes techniques dans le domaine des transports terrestres. Elle prévoit que ces enquêtes seront réalisées par un organisme permanent spécialisé bénéficiant d’un droit d’accès à tous les éléments utiles à l’enquête, même couverts par le secret de l’instruction judiciaire, le secret médical ou le secret professionnel.
Cette loi affirme également les principes d’indépendance des enquêteurs et de publicité des rapports d’enquêtes.
Elle a été codifiée aux articles L. 1621-1 à 1622-2 du Code des transports. Le décret d’application du 26 janvier 2004 créant officiellement le BEA-TT a été codifié aux articles R. 1621-1 à 1621-26 du Code des transports.
Le 29 avril, la DIRECTIVE 2004/49/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 29 avril 2004 concernant la sécurité des chemins de fer communautaires prescrivait l’obligation pour chaque Etat de l’union Européenne de disposer, dans le domaine du ferroviaire lourd interopérable, d’une agence nationale de sécurité (en France l’EPSF) et d’un Bureau d’Investigation, ce qu’était déjà le BEA-TT nouveau né.
Le Code des transports a ensuite évolué sous l’effet des directives européennes successives, jusqu’au "4e paquet" du 11 mai 2016, comprenant la directive 2016/798 sur la sécurité, transposée en 2019.

Aujourd’hui, le BEA-TT tout en étant le "National Investigation Body" au sens de l’UE pour le ferroviaire, poursuit également ses missions sur les autres modes dans son cadre national.
Dans d’autre pays de l’UE, le NIB est parfois inclus dans un bureau plus vaste couvrant l’aviation civile et/ou le maritime, domaines pour lesquels l’existence d’un bureau d’enquête est également rendu obligatoire à un niveau international.
Les NIB se rassemblent régulièrement au sein du NIB-Network pour échanger sur des cas concrets, élaborer des guides, procéder à des revues entre pairs.
Rares sont les pays de l’UE qui disposent d’un bureau d’enquête pour tel ou tel autre mode de transport terrestre. Le BEA-TT, qui les couvre tous, est un cas unique.

Ailleurs dans le monde, de nombreux pays ne disposent d’aucune structure analogue. Certains souhaitent s’en doter, ce qui n’a de sens que si la pyramide oeuvrant à la sécurité est déjà en place.
Parmi les homologues les plus établis et reconnus, on citera seulement le National Transportation Safety Board (NTSB), qui est une agence indépendante du gouvernement des États-Unis, responsable des enquêtes sur les accidents aériens et sur certains types d’accident routiers, maritimes, ferroviaires et ceux concernant les pipelines et de ruptures de pont

Les missions et les modes d’intervention

Le BEA-TT est un service à compétence nationale placé auprès du chef de l’Inspection Générale du Développement Durable (IGEDD). Cette position ne comporte aucune tutelle hiérarchique susceptible de porter préjudice à son indépendance.
La mission principale du BEA-TT est de réaliser les enquêtes techniques sur les accidents graves de transport terrestre ainsi que sur tout autre accident ou incident significatif. Il a également vocation à favoriser la diffusion des connaissances et enseignements issus du retour d’expérience sur les accidents et il peut engager des études ou recherches en matière de retour d’expérience et d’accidentologie.
Son champ d’intervention couvre à la fois les transports ferroviaires, les modes guidés urbains (métro, tramway), les remontées mécaniques, les transports routiers (notamment les transports de marchandises et les transports publics de voyageurs), ainsi que la navigation intérieure, chacun de ces secteurs ayant sa propre réglementation et ses propres logiques économique, technique, professionnelle voire culturelle.

L’ouverture d’une enquête est décidée par le directeur du BEA-TT, à son initiative ou sur demande du ministre chargé des transports (ce second cas est resté très exceptionnel).
Dans le domaine ferroviaire, des enquêtes doivent être obligatoirement diligentées sur les accidents graves définis par la directive européenne 2004/49/CE.

Chaque enquête doit examiner l’événement sous tous ses aspects allant du facteur humain à la pertinence de la règlementation en passant par les caractéristiques de l’infrastructure, ses conditions d’exploitation, la conception et l’état du matériel roulant, l’organisation de la sécurité, la formation des personnels, les facteurs médicaux etc. Cette diversité des investigations à effectuer conduit le BEA-TT à identifier et mobiliser toutes les compétences nécessaires à chaque cas.
À l’issue des enquêtes ou études effectuées, le BEA-TT rend publics ses rapports sur son site Internet.
Les destinataires des recommandations de sécurité qu’il émet doivent lui faire connaître les suites qu’ils entendent leur donner. Le BEA-TT peut rendre publiques leurs réponses en la matière. S’il n’est pas chargé de suivre ou de contrôler la mise en œuvre des recommandations formulées, il ne s’en désintéresse pas. L’EPSF a l’obligation de le faire dans le domaine ferroviaire, et d’autres partenaires, notamment le STRMTG, y veillent pour les autres modes.
L’indépendance n’excluant pas la coopération, le directeur du BEA-TT a signé quelques conventions en ce sens avec plusieurs homologues, avec l’EPSF, le STRMTG, le ministère de la Justice, l’IRCGN…

Sans lien immédiat avec son activité principale, le décret 2022-1284 du 3 octobre 2022 a désigné le BEA-TT Autorité Externe pour le Recueil des Signalements,

L’organisation et les moyens

Pour mener à bien ses missions, le BEA-TT mobilise trois catégories d’intervenants :
- ses propres enquêteurs permanents ;
- des enquêteurs temporaires qui sont commissionnés par son directeur pour les besoins d’une enquête technique ;
- des experts sollicités pour répondre à des questions précises.
De plus, le BEA-TT peut faire appel à l’ensemble des services de l’État compétents dans son domaine ; c’est notamment le cas pour la veille et les signalements d’accidents.

Le BEA-TT a adopté une charte de déontologie et un système de management de la qualité. En plus des devoirs de confidentialité qui lui sont propres, il se conforme aux règles du RGPD.

L’ensemble de sa production publiée l’a été par le présent site Internet, où elle reste facilement accessible sans limite de temps.

La veille et le signalement des accidents et incidents

Pour suivre les évènements liés à la sécurité, le BEA-TT peut utiliser toutes les sources qui lui paraissent utiles. L’essentiel des informations vient cependant :

  • des signalements d’accidents lui sont directement adressés par les opérateurs concernés ;
  • des bulletins quotidiens établis et diffusés par les grands opérateurs, les services de secours ou les services de gestion de crise :
    • la SNCF avec les relevés quotidiens du centre national des opérations (CNO) ;
    • le ministère de l’intérieur (Protection civile - COGIC)
    • le Centre Ministériel de Veille Opérationnel et d’Alerte (CMVOA) du pôle ministériel auquel il est rattaché via le ministre chargé des transports.

Sur la base de ces informations, qu’il complète souvent en vue d’une première analyse de qualification, le BEA-TT sélectionne les accidents et incidents pour lesquels une enquête technique apparaît porteuse de recommandations nouvelles.

Les textes institutionnels

Les articles L. 1621-1 à L. 1622-2 du code des transports
Les articles R. 1621-1 à R. 1621-26 du code des transports

Le BEA-TT a vingt ans

le 26 janvier 2024, le BEA-TT aura 20 ans. Il aura ouvert 270 enquêtes et en aura publié 248, comportant environ 800 recommandations dont la quasi totalité ont été suivies d’effet

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